Exposition | "Les enfants des devoirs", Calcutta
Reportage photo sur le Centre « The Blue turtle »
© Marie Kroll
Quand Violaine m’a proposé de venir en Inde avec elle, j’étais toute de suite partante. L’Inde, je n’y avais plus été depuis 20 ans et je ne connaissais pas Calcutta.
M’ayant expliqué le projet de son association qui met en avant la scolarité, j’étais enthousiaste ; convaincue que sortir de la précarité passe par l’éducation. Calcutta, ville de bruit, de poubelles, de bidonvilles, de foule, de pauvreté. 16 millions d’habitants, 3 millions dans les rues, dont 100 000 enfants. Calcutta, ville de couleur, de sourires, de contacts humains, « Cité de la joie », cité de cultures, aux abords du delta du Gange. Calcutta, ville qui choque, qui fascine ou répulse, mais toujours inoubliable.
Ce Centre logé dans un ancien temple chinois, lieu de rendez-vous d’intellectuels au XIXe, au cœur d’un petit bidonville du centre de Calcutta, retrouve sa fonction par l’accueil de nombreux enfants des rues dans une ambiance studieuse, intellectuelle et familiale.
Les enfants grandissent parmi les poubelles, dorment dans des habitations de fortunes, fabriquées de carton, plastique ou matériau trouvé au gré des déversements de détritus, squattent un bâtiment inachevé, sans fenêtre, tout en béton où chacun doit créer son environnement de vie en cohabitation avec les autres familles.
Certains espaces plus « privés » sont propres, d’autres sales, encombrés d’objets, tissus récoltés des déchets. Certains dorment presque à même le sol, entre béton, immondices, chiens poules et rats. Un matin, N. me montre la tête de son fils de 2 ans ; « je lui ai mis de la terre pour que ça cicatrise, il a été mordu cette nuit par un rat. Ils s’attaquent parfois aux petits... » elle me montre le sang sur le sol.
Aucune parcelle d’intimité n’est possible. Même la toilette doit se faire dans la rue, en public. Ici, les filles se lavent au dernier étage de leur bâtiment, parmi les débris de la construction inachevée, portant des bidons d’eau de la rue, sans jamais se déshabiller complètement.
Tout le monde a vue sur tout le monde.
Ceci contraste avec une solidarité presque extrême, exemplaire ; les plus démunis transmettant ce qu’ils ont appris à l’école à leurs proches, souvent illettrés, aux autres enfants, volonté de sortir les leurs de leur condition sociale. Au centre aussi, les plus grands s’acharnent après leur cours, à apprendre aux plus petits dans une atmosphère familiale, dirigée par Marina, femme de caractère altruiste et volontaire.
En tant que gynécologue, j’ai proposé des formations aux femmes sur les méthodes naturelles de contraception afin qu’elles diffusent l’information.
Même si dans l’Inde d’aujourd’hui, la femme a pris plus d’ampleur au niveau de postes à responsabilité, il n’empêche que la condition de la femme reste très difficile, marquée par une discrimination de genre ancrée sur des traditions anciennes.
L’Inde est actuellement le 4e pays le plus dangereux au Monde pour les femmes. Les mariages forcés y compris ceux de fillettes, synonyme de soumission, les payements des dot, la prostitution, les viols, les infanticides de filles, les harcèlements sexuels, le manque d’éducation, les filles-mères, l’autorisation du commerce des mères porteuses restent des problèmes majeurs.
L’éducation représente la seule opportunité pour quitter ce milieu de souffrance afin de commencer une vie plus humaine et plus normale.
La maternité représente un frein à cette issue et de par ce fait le contrôle des naissances est essentiel. Mais n’ayant pas accès aux contraceptions, il est important de les éduquer à pouvoir « un peu mieux contrôler » leur fertilité en connaissant leur cycle, leurs périodes fécondes.
Je suis venue avec du matériel didactique, utérus en plastique, schémas et matériel contraceptif, expliquer les différentes méthodes et ce qu’elles seules, pouvaient faire pour diminuer les naissances.
En voyant ces jeunes femmes, leur intérêt et leur attention à cette formation succincte, il m’apparait évident qu’il est nécessaire de former d’avantage de jeunes qui, à leur tour diffuseront une éducation sur la contraception naturelle dans ces milieux défavorisés.
Marie Kroll
Née à Bruxelles, gynécologue et passionnée de photographie depuis toujours, j’ai grandi en Belgique et jeune déjà, mon enthousiasme pour les voyages me fait découvrir d’autres cultures, me fait réfléchir sur la société humaine, et plus particulièrement à la condition des femmes.
J’ai travaillé en hôpital public pendant presque 15 ans, ce qui m’a ouvert les yeux sur ceux que l’on n’entend pas ou qu’on ne voit pas forcément. J’ai réalisé quelques expositions sur les thèmes de la maternité, de la naissance ou des différentes parentalités.